

Dix ans après sa découverte, le "Prince de Lavau" continue de livrer ses secrets
Dix ans après sa découverte à Lavau (Aube), la chambre funéraire d'un prince celte et son trésor "exceptionnel" continuent de livrer leurs secrets aux archéologues, avant leur prochaine exposition au public.
C'est en fouillant une zone commerciale à Lavau, près de Troyes, que des archéologues de l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) font en 2015 la connaissance de celui qui est désormais désigné comme le "Prince de Lavau".
Au sein d'une nécropole, dans une chambre funéraire de 14 m2, gît un squelette paré d'un collier et de bracelets en or. Un prince celte étendu sur un char à deux roues.
La dépouille est entourée de vaisselle utilisée lors des banquets et le service du vin. Dont un grand chaudron étrusque en bronze et un pichet (oenochoé) en céramique attique figurant Dionysos, ainsi qu'une passoire et un gobelet en argent.
La tombe, qui date du milieu du Ve siècle avant notre ère, est comparable à celle de la princesse de Vix, à une soixantaine de kilomètres de là.
Une découverte exceptionnelle, "comme on en fait une fois tous les 50 ans", rappelle Christian Cribellier, représentant du Ministère de la Culture, lors de la présentation des travaux au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF).
Dix ans d'études plus tard, on en sait désormais plus sur le personnage enterré à Lavau, dont les archéologues se demandent s'il ne serait pas en fait plus "roi" que prince" au vu des indices sur l'importance de son statut.
- Au carrefour de deux mondes -
L'étude d'une de ses dents a permis de déterminer son âge, une trentaine d'années seulement. Et celle de son ADN, qu'il devait avoir les cheveux raides et la peau "plutôt sombre", raconte l'anthropologue Valérie Delattre.
D'apparence soignée - un rasoir a été retrouvé à ses côtés -, il semble avoir grandi "dans un milieu éminemment privilégié", comme en témoigne l'état de sa dentition, où n'apparaît "aucune carie, aucun abcès, aucun dépôt de tartre", poursuit-elle.
L'analyse de son ADN n'a permis d'établir aucun lien biologique avec la princesse de Vix, dont il aurait pu être un contemporain ou un proche successeur.
Pour ses funérailles, que l'on suppose "prestigieuses" et "différées quelques semaines après le décès", son corps a été "préparé", avec notamment une éviscération, puis allongé sur un matelas d'herbes odoriférantes et insectifuges: armoise, absinthe, mélisse et sauge.
Après sa mort, il n'y a plus de signes d'aménagement du site, "comme s'il y avait un interdit ou un fort respect de la mémoire de ce personnage", souligne l'archéologue Bastien Dubuis.
Plusieurs objets précieux témoignent en outre de l'attrait des élites celtiques envers les cultures grecque et étrusque.
Le chaudron contenait des traces de vin rouge aromatisé, conformément à la consommation "civilisée" pratiquée dans le monde méditerranéen. L'oenochoé a été fabriqué en Grèce avant d'être rehaussé d'or et d'argent par des artisans locaux, qui y ont ajouté la figure stylisée d'un dieu celte.
"C'est un moment de l'histoire où l'économie mondiale se met en place" entre "le monde méditerranéen, avec les Étrusques, les Grecs et l'arrivée des premières cités et celui des barbares qui court de l'Atlantique, à la mer du Nord jusqu'au Danube", rappelle le directeur de l'Inrap, Dominique Garcia.
"L'espace de contact entre ces deux espaces", poursuit-il, "c'est le secteur de la petite Seine" où se trouvent Lavau et Vix. Qui apparaissent comme les pôles dominants de petits "états émergents" préfigurant les cités gauloises des siècles suivants.
Lavau est le sujet d'un documentaire "Enquête sur la tombe de dernier prince celte", diffusé sur Arte le 14 juin à l'occasion des Journées européennes de l'archéologie. La recherche autour de la tombe sera exposée à Troyes en janvier 2026.
W.Janssens--RTC