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Guerre commerciale: la Banque du Japon abaisse de moitié sa prévision de croissance
Guerre commerciale: la Banque du Japon abaisse de moitié sa prévision de croissance / Photo: Richard A. Brooks - AFP/Archives

Guerre commerciale: la Banque du Japon abaisse de moitié sa prévision de croissance

La Banque du Japon (BoJ), laissant ses taux inchangés malgré une inflation persistante, a abaissé jeudi de moitié sa prévision de croissance pour la quatrième économie mondiale, assombrie par l'impact de la guerre commerciale.

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A la suite d'une réunion de deux jours, l'institution a maintenu à 0,5% son taux directeur: un statu quo largement attendu face à une conjoncture déjà précaire et fragilisée par l'offensive douanière engagée par le président américain Donald Trump.

La Banque du Japon a pris acte de cet assombrissement de l'horizon économique: elle ne table plus que sur une croissance du PIB japonais de 0,5% sur l'année budgétaire 2025 entamée début avril, contre 1,1% prévu précédemment.

Elle a également abaissé sa prévision pour la croissance économique de l'année suivante (année fiscale 2026), à 0,7% contre 1,1% attendu jusqu'alors.

"L'introduction de taxes douanières de grande envergure devrait avoir un impact sur l'activité commerciale mondiale, et les incertitudes accrues entourant ces politiques sont susceptibles d'avoir un impact important sur le moral des entreprises et des ménages dans le monde entier, ainsi que sur les marchés financiers et marchés de capitaux", s'alarme l'institution.

"La croissance économique du Japon devrait ralentir, les politiques commerciales entraînant l'essoufflement économique des autres pays et pénalisant les bénéfices des entreprises nationales", insiste-t-elle dans son rapport trimestriel.

"L'incertitude demeure (...) Même si le cadre des droits de douane se finalise il s'agira toujours d'une mise en œuvre de mesures d'une ampleur sans précédent" aux conséquences difficiles à prévoir, a averti le gouverneur de la BoJ Kazuo Ueda.

-Inflation tenace-

Ces prévisions maussades sont publiées alors que le négociateur japonais est de nouveau à Washington ce jeudi pour reprendre les discussions sur les droits de douane massifs.

Proche allié de Washington, le Japon est visé depuis début avril par des surtaxes douanières américaines de 25% sur l'automobile et l'acier. Or, l'automobile a représenté l'an dernier environ 28% des exportations japonaises à destination des Etats-Unis, et représente un emploi sur huit dans le pays.

Le Japon est par ailleurs menacé d'une surtaxe "réciproque" de 24% sur toutes ses exportations, mise en pause jusqu'à début juillet.

"Après plus d'un an des communications de la BoJ insistant sur la bonne santé et l'amélioration de l'économie nippone malgré des indicateurs concrets indiquant le contraire, ce changement de ton est notable et suggère que la banque centrale fera preuve de prudence dans les mois à venir", observe Stefan Angrick, de Moody’s Analytics.

Afin de contrer le retour de l'inflation au Japon depuis deux ans et demi, la BoJ a entamé en mars 2024 un resserrement de ses taux, après dix ans de politique monétaire ultra-accommodante où ils étaient restés quasiment nuls. Elle les a relevés par deux fois l'an dernier, puis en janvier.

Mais la prudence de l'institution face aux incertitudes économiques a semblé éloigner la perspective de nouvelles hausses de taux: ce qui a fait décrocher le yen de 1% face au dollar jeudi.

Pour autant, la BoJ pourrait reprendre ses relèvements de taux plus tard dans l'année face à une inflation toujours tenace: la hausse des prix à la consommation au Japon (hors produits frais) a encore accéléré à 3,2% sur un an en mars.

Et l'inflation sous-jacente, corrigée des prix volatils de l'énergie et des aliments frais, s'est hissée à 2,9% -très au-delà de la cible d'environ 2% fixée par la BoJ. L'institution table pour 2025 sur une inflation sous-jacente moyenne de 2,2%.

"L'inflation semble persistante", notamment maintenue par les prix de l'énergie, après la réduction des aides publiques aux ménages pour les facteurs énergétiques, insiste M. Angrick, tout en reconnaissant que le calendrier des prochaines hausses de taux reste incertain.

"Les marchés estiment toujours qu'une nouvelle hausse des taux d'ici fin 2025 est plus que probable", rappelle Marcel Thieliant, expert de Capital Economics.

"Nous pensons que l'impact économique des tensions commerciales ne sera pas aussi sévère que redouté: le corollaire est que la Banque est également trop pessimiste quant aux perspectives d'inflation", poursuit-il.

M. Angrick se veut plus prudent: "Un retour aux niveaux douaniers d'avant Trump n'est probablement pas à l'ordre du jour: l'économie nippone, déjà fragile avant le début de la guerre commerciale, va se détériorer considérablement au second semestre", ce qui pourrait retarder de nouvelles hausses de taux à l'an prochain, juge-t-il.

M.Webber--RTC